07/09/19 Du fœtus au bébé, quelle conscience ?

Vers les dix mois de l’embryon se pressent donc la naissance de l’unité de la personne en devenir, autrement dit son individualité. De la sensation d’unité  du corps qui se rassemble, le fœtus va peu à peu, à travers la symbiose avec la mère, découvrir des sensations plurielles, voire des émotions qui coulent en un flux vivant, sans sujet ni objets. Ce flux se déroule dans l’indéfinie sensation de l’éternité. On ne peut encore parler de présence au monde puisque l’invention du présent, comme celle du monde, ne se sont pas encore d’actualité. Ce flux est pure vacuité.

Et pourtant cette éternité est riche de sensations et d’émotions. Fœtus, j’existe bien dans une sensation fluide d’être riche de ce courant de vie. Cette sensation « positive », cette jouissance, ne sont-elles pas l’émotion première de vivre ? Emotion paisible de vibrer éternellement. Peut-on associer à cette émotion première des caractéristiques telles que la lumière ou une sensation amoureuse, sans dénaturer son essence, sans ajouter une ambigüité propre au champ des relations ? Il y a pourtant de cela, sans doute, dans cette vacuité première des sensations, cette émotion du vivant. Une conscience anobjectale de vivre, un ressenti d’in-sister, et non pas encore d’ex-ister, autrement ditd’être assis dans les bras de la vie. Dans ce flux, en effet, on ne sort de rien, on ne va nulle part. On est dans cette« assise intérieure » qui nous porte. Assis dans la rondeur protectrice du v-antre, le fœtus ressent sans doute cette assise comme amour, oui, osons le dire une forme d’amour premier, inconditionnel, assurance d’être vivant-vibrant, joyeux de cette connaissance émotionnelle. Plus tard, dans la chaleur arrondie des bras de sa mère ou celle plus puissante des bras paternels, cette émotion de sécurité dans l’abandon s’éveillera à nouveau en lui, comme une réminiscence de sécurité intérieure. L’amour n’est-il pas, au fond, cette expérience de sécurité ineffable dans l’abandon au grand Soi ?

Puis le chamboulement de la naissance. Ex-sister est ainsi être expulsé de cette assise amoureuse et contraint de la rechercher hors de soi. On ne choisit pas de sortir. Exister nous pousse ainsi dans la recherche éperdue du Grand Autre, avec au ventre la peur de l’abandon. La sécurité de l’abandon/dépendance au Grand Autre devient insécurité existentielle de ne plus être porté / aimé. Lorsque l’enfant crie, c’est bien parce qu’il est expulsé. Les expulsés de leur pays connaissent bien cette terreur. A-patrides. Il s’agit rarement d’un glissement obligé vers une autre terre, ou une autre mer (…), mais d’une expulsion en bonne et due forme. Etrange, cette expulsion obligatoire de l’être aimé, protégé dans son assise intérieure. Poussé à ex-sister.

Ce faisant, il découvre sa capacité à respirer. Respirer. Geste vital pour sub-sister. Première expérience de l’autonomie de cet être expulsé. Comprenez-vous  pourquoi l’importance de la respiration dans les pratiques de ressourcement ? Comprenez-vous pourquoi l’importance de retrouver la saveur, le goût, le plaisir de respirer dans la méditation. Respirer en pleine présence est l’antichambre de la paix, de la sécurité, de l’amour dans l’abandon de soi.