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Souffrance d'où viens-tu ?

Souffrance, d’où viens-tu ? Pourquoi nous apparais-tu comme un héritage incontournable ? Telle est l’une des questions qui taraudait Gautama quand il partit du palais de son père vivre en ascète dans les grottes du nord de l’inde. Sa quête qui le mena à l’éveil l’a-t-il dispensé de l’expérience de la souffrance ? Les quelques informations que j’ai pu glaner concernant la fin de sa vie le montre malade. Alors souffrance, quel sens as-tu ? Avec quelle impertinence en parlerai-je ? Avec quelle humilité  la traversé-je moi-même quand, lancinante, elle frappe et refrappe sans vergogne à ma porte, me tendant trivialement la boîte jaune d’un antalgique avec un sourire un peu malin ?

Car j’ai beaucoup parlé de mes observations intimes sur les processus de conscience, en évoquant la nécessité de différencier conscience objectale et conscience anté-objectale (ou pré-objectale suivant que l’on se réfère à l’ontogénèse ou à la psychogenèse de l’activité mentale). Et là, il y a un troisième niveau de présence au monde qui s’impose à l’observation. Antonio Damasio parle d’un proto-soi qui précéderait génétiquement et ontologiquement l’émergence du soi. Je souscris  à cette hypothèse qui permettrait de comprendre l’existence d’un niveau de présence au monde précédant le soi. Une description plus exhaustive de l’être humain présenterait ainsi ce dernier suivant trois strates de natures différentes.

La plus profonde, nommons-là le proto-soi, serait d’une nature bio-physio-existentielle. Elle concernerait des processus de régulation de l’unité du corps humain et formerait les sensations les plus profondes issues de nos tissus. Cette cohérence de l’être qui se vit comme un organisme global différencié  depuis la conception de l’embryon serait à l’origine de l’intégration progressive des organes en construction, dans un ensemble vivant organisé depuis les premières cellules d’ADN. Presqu’un soi qui se ressent déjà comme unitaire et vivant.

 La seconde structure, le soi, émerge alors comme un flux vibratoire de ressentis, d’émotions et de sensations autour du proto-soi. Elle aurait une mémoire sensorielle qui s’engrammerait dans les cellules elles-mêmes puis dans une structure syncrétique formant le système nerveux central donnant naissance à la sensation de soi.

La troisième structure qui se forme avec le foetus à partir d’une plaque neuronale de matière grise, va constituer le cortex et s’épanouir dans la conscience objectale à partir de ce fameux stade des sept mois du nourrisson. Même si le développement du cortex se prolongera encore pendant au moins une douzaine d’années, la nature de la conscience objectale est alors déterminée et ne fera qu’amplifier la différenciation qui s’est opérée entre moi et les autres à travers une représentation du monde de plus en structurée sur le mode de la relation.

 

Cette hypothèse globale sur la structure de l’être humain nous amènera  à une compréhension plus précise de la notion de souffrance, que nous oserons aborder  dans le prochain texte.

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